Après plus de cinq mois de voyage, je suis arrivé de l'Equateur au Pérou qui venait de subir des conditions météorologiques extrêmement difficiles notamment dans le nord à cause du phenomon el Niño. Mon bus d'Equateur est arrivé jusqu'à la ville de Piura où j'ai rencontré des péruviens extrêmement chaleureux. Après avoir goûté des petits plats délicieux de mon hôte et bu quelques pisco sour, je me suis envolé pour Lima le 8 Avril 2017. A partir de mon arrivée dans la capitale péruvienne, mon voyage au Pérou se découpe en partie assez distinctes: Mes premiers jours à Lima, mon court voyage à Ica avec une amie, mon trek autour de la cordillère Huayhuash, ma visite solitaire de Cuzco et de la vallée sacrée, mon passage à Arequipa et au Canyon du Colca et enfin, mon séjour sur l'île Amantani du lac Titicaca. Chacune de ces étapes correspondent à des expériences bien distinctes qui m'ont aussi fait comprendre que le Pérou est un pays immense et trèss diversifié. C'est la raison pour laquelle j'ai l'impression d'avoir seulement vu une partie infime de ce grand pays, où la culture est fascinante, les paysages sont d'une extrême variété et magnifiques et la richesse gastronomique vous fait rester plus d'un mois.
J'avais pu entendre beaucoup de choses négatives sur Lima: ses quartiers pauvres et dangereux près de son aéroport, sa réputation de grande ville au trafic infernal, ses prix élevés et son intérêt touristique limité. La vérité est que j'ai passé de très bons moments dans la capitale péruvienne et j'y suis resté près d'une semaine. Entre Miraflores, Barranco et le centre de Lima, j'ai eu le temps de voir différents quartiers, de me promener, de sortir et de danser, de bien manger, de visiter des parcs agréables et des musées intéressants, de faire des rencontres ou tout simplement de retrouver des amis. Après mon expérience à Piura, les péruviens rencontrés à Lima ont continué de me donner une impression très positive: toujours très aimables, parfois curieux de savoir qui je suis et d'où je viens, les limeños ont toujours été très avenants, ce qui me changeait du caractère parfois réservé de certains équatoriens andins. À Lima, j'ai rencontré Laurent de "Tout Pérou". De la même manière qu'avec le réseau solidaire "Tout Equateur", j'ai pu profiter de ses nombreux conseils et cela m'a beaucoup aidé à planifier les principaux jalons de mon voyage au Pérou, notamment pour mon parcours dans la vallée sacrée et ma rencontre de famille péruvienne sur l'île d'Amantani. Même si c'est à Lima que je suis tombé malade lors de mon voyage au Pérou, je n'en garde que d'excellents souvenirs.
Avec Anny, une très bonne amie, je suis allé jusqu'à Ica pour visiter la lagune de Huacachina et la réserve naturelle de Paracas. Une fois arrivé la bas, je fus malheureusement vraiment malade et Anny m'a beaucoup aidé. J'ai fait un petit passage à l'hôpital public d'Ica, c'était assez folklorique mais pour des urgences, c'était finalement pas pire qu'en France. Après deux heures, j'avais un traitement antibiotiques pour dix jours, des anti-douleurs pour les maux de ventre et une injection d'un cocktail antibiotique qui devait pouvoir me permettre d'aller mieux rapidement...et tout ça pour seulement 6€! Le lendemain, bourré de médicament, je suis allé voir les îles Ballestas et la réserve de Paracas. Les paysages étaient originaux et très beaux; certains paysages de la réserve naturelle de Paracas m’ont rappelé les dunes égyptiennes, des souvenirs lointains. Le soir, malgré une certaine fatigue, je suis allé jusqu'à la lagune de Huacachina, un très beau moment avant de quitter la côte péruvienne.
L'étape suivante fut mon arrivée à Huaraz où le changement de décor fut complet. Un retour dans les Andes pour mon plus grand plaisir. Après un jour de repos pour guérir doucement de ma récente tourista et une petite randonnée avec un breton jusqu'à la lagune de Wilcacocha, j'ai décidé de rejoindre trois français qui s'étaient motivés pour un trek de huit jours autour de la cordillère Huayhuash. J'ai réalisé ce trek dans un luxe assez incroyable. Nous avions une petite équipe qui s'occupait de notre groupe de neuf jeunes touristes: un guide, un muletier et un cuisinier. Les mules portaient notre équipement lourd et nos tentes, le guide nous donnait certains conseils et des indications tout au long du trek et le cuisinier se chargeait de préparer le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner. Tous ces services pour une somme dérisoire de 30€ par jour. L'aventure fut éprouvante physiquement et j'ai beaucoup souffert du mal d'altitude durant les premiers jours. Cela dit, les paysages époustouflants et l'expérience en elle-même ont su combler toutes mes espérances et me faire oublier les petits désagréments. N'étant pas dérangé par le portage de mon propre équipement de camping, j'ai pu me consacrer pleinement à la photographie et faire de très belles photographies. Le seul petit bémol de cette aventure fut le groupe: les trois israéliens étaient assez prétentieux, arrogants et fumaient toutes les demi-heures sur le sentier. Parmi les trois français, j'ai énervé une jeune infirmière au cours d'un débat, notre avant dernier jour, pour qu'elle me déteste à vie. On ne peut pas plaire à tout le monde. À mon retour à Huaraz, le soir de mon retour, j'ai fait l'erreur d'oublier mes écouteurs Bose à côté d'un canapé où la réception du Wifi était bonne. Le lendemain, quelqu'un me les avait volé. Le propriétaire de l'hôtel et sa femme étaient navrés et ont bien tenté de les retrouver, mais sans succès. Je n'aurai jamais pensé qu’on puisse me voler dans cette petite auberge familiale à Huaraz. Ce fut une expérience coûteuse et un rappel brutal.
Pour mon court séjour à Cuzco, j’avais prévu de rester au Inka Wild Hostel. L’auberge en elle-même se présente bien mais a davantage l’allure d’une discothèque la nuit et d’un centre de récupération de cuite le jour que d'une auberge. Même si j’y ai rencontré une gentille brésilienne, je ne garde pas un très bon souvenir de cet hôtel car il me rappelait ce tourisme que je n’aime pas: Ces touristes qui se "ghettoisent" dans des hôtels au style parfaitement occidentalisé, qui n’y rencontrent pas un seul péruvien, se soûlent dans la capitale culturelle péruvienne pour enchaîner avec le train (qui coûte une fortune) qui les amène jusqu’au Machu Picchu. Ici, j'émets un jugement de valeur assez brutal (et encore, j’ai retenu ma plume), mais ce tourisme n’est pas sans impact sur la façon dont les péruviens nous perçoivent et dégrade l’image que nous renvoyons.
Le poncho de laine est un habit très commun au Pérou que certains touristes adoptent, notamment les voyageurs de longue durée. Grâce à Alexis, mon sac s’était allégé depuis la Colombie et je pouvais donc me permettre cet achat. Après être passé par plusieurs boutiques, des plus chères aux moins chères, je comprends que le baby alpaga est une laine très chère tandis que la laine d'alpaga classique est plus accessible financièrement. Au vu de l’état de souffrance des affaires que je transporte, j’opte pour la version économique et je m’achète un poncho avec un bonnet péruvien et des gants. Je n’aurai jamais imaginé à quel point ce changement d’habit allait impacter mes futurs rencontres. Avant d’expliquer "l’effet poncho", replaçons une partie du contexte de cet achat concernant la relation aux populations locales.
À Piura, à Ica comme à Lima, les péruviens que j’ai rencontré étaient d’une très grande amabilité. Une fois ces régions quittées pour un retour dans les Andes, j’ai retrouvé le caractère typiquement andins que j’avais pu observer en Equateur avec des péruviens plus réservés et parfois même agressifs envers la prise de photographie! De ce fait, il fut bien compliqué de prendre de belles photographies des péruviens dans leurs activités quotidiennes. Au mieux ils vous dévisagent, au pire ils vous insultent. Sans parler de photographie, la langue est également une barrière immense. Heureusement, à ce stade du voyage je parlai un espagnol correct et les péruviens sont plutôt faciles à comprendre mais gare aux touristes qui se limitent à l’anglais car l’expérience humaine n'est alors clairement pas la même! Enfin, l’habit vous définit comme partout. Ainsi, votre veste noire Mammut, votre pantalon North Face et vos chaussures de trek Adidas vous étiquettent plus que jamais et c’est pour cette raison que le poncho vous change. Au début, j’ai pensé que le porter aussi souvent allait parfois me porter du tort, qu’on allait me prendre pour un touriste imbécile qui tente son intégration avec un habit qui ne va pas avec ma tête, mais ce ne fut pas le cas. Les boutiquiers et restaurateurs étaient parfois plus avenants et plus souriants lorsque je me présentai. J’ai aussi eu le droit à de nombreux compliments et des questions sur l’origine de mon poncho. Le poncho m’a visiblement donné un style plus “cool”...tellement qu’on est allé jusqu’à me proposer discrètement de l’herbe en pleine plaza de armas à Cuzco.
À Cuzco, j’étais enfin parfaitement guéri de ma tourista et mon appétit s’en est donné à cœur joie. J’ai repris mes découvertes gastronomiques péruviennes que j’avais pu commencer à Lima. La cuisine péruvienne a cette richesse d’être tout simplement plus précise que ses pays voisins: le riz est cuit comme il faut, la soupe possède un aspect velouté et consistant, l’association des différents ingrédients est élaborée et l’on peut découvrir de nouvelles saveurs au travers des épices et des plantes utilisés. L’imitation de la cuisine occidentale est souvent réussie et les péruviens ont même certaines pâtisseries très appréciables qui ne sont pas des overdoses de sucre, des aberrations de crème où des pâtes qui vous laissent un goût trop sec. Les mauvaises surprises sont donc plutôt rares et ce fut un vrai plaisir d’essayer différents mets.
Ma visite de la vallée sacrée s’est étendue sur une bonne semaine et a été étonnamment solitaire. Même si elle fut ponctuée de quelques rencontres agréables, je me suis promené relativement seul à Cuzco, Pisac, Moray, aux Salineras de Maras, à Ollantaytambo, et à Chinchero. Cela dit, après la visite de quelques musées à Cuzco, de nombreuses lectures et des discussions avec des péruviens, ce temps passé à randonner au milieu des montagnes, des cascades et des ruines incas m’a permis de m’imprégner du lieu, de m’imaginer ces contrées cinq siècles auparavant et de me poser différentes questions sur la culture inca, notamment celles qui ont alimenté mon article "Colonisation et quête d’identité nationale".
"Je ne ferai pas le Machu Picchu". Aussi ridicule que cela puisse paraître, cette phrase sonnait comme le glas le jour où j'ai pris cette décision. Un touriste est allé jusqu’à Ollantaytambo et n’est pas allé jusqu’au Machu Picchu, la première attraction touristique du Pérou! C’est avec une très grande générosité que j’explique mes raisons dans les lignes qui suivent. La première est financière: Le Machu Picchu est cher à visiter car il vous faudra compter l’achat du billet de train dont la compagnie est à moitié péruvienne et à moitié anglaise. Les places peu coûteuses sont souvent vendues en premier, si bien que vous serez parfois dans l’obligation de payer des billets première classe encore plus chers si vous vous y prenez trop tard. Une autre alternative est de prendre un bus, le trajet est moins cher mais plus contraignant. Vous aurez toujours une somme conséquente à payer pour entrer sur le site, davantage si vous souhaitez aller jusqu’à la montagne, encore davantage si vous souhaitez aller sur le Huayna Picchu (la réservation six mois à l’avance sera alors nécessaire). Je ne parle pas de la nuit ou des deux nuits passées à Agua Calientes que vous devrez également inclure dans votre budget. Vous pouvez également effectuer des treks de trois, quatre ou cinq jours jusqu’au Machu Picchu, mais ces treks sont chers et après mon expérience magnifique dans la cordillère Huayhuash, je n’éprouvai pas cette envie. C’est également cette raison qui explique mon manque de motivation pour aller jusqu’au site de Choquequirao qui est une excellente alternative au Machu Picchu. La deuxième raison, c’est mon plaisir: Je n’avais pas envie de passer deux jours, seul, aller jusqu’en haut de ce “must do” pour prendre la même photos que des millions de gens et me promener dans ce parc d’attraction. Dans un voyage, il est avant tout important de faire les choses que nous aimons et qui nous inspirent. De chercher et de trouver des expériences qui nous rendent heureux et qui, dans le meilleur des cas, sont singulières. La troisième raison sont mes observations: j’ai entendu beaucoup de déceptions de la part des touristes que j’ai pu rencontrer: le rapport qualité/prix décevant, le monde trop important sur le site et le temps défavorable. Enfin, je me mets à la place d’un touriste qui visite Paris. Je serai plus intrigué par son récit si il me parle des ruelles dans lesquelles il a gambadé la nuit, du sous-sol d’un bar dans lequel il a bu une bière, du pont qu’il a préféré traversé, du plat qu’il a apprécié dans un bistro ou encore, de la station de métro qui l’a le plus marqué. Je suis très content qu’il soit allé en haut de l’Arc de Triomphe ou de la Tour Eiffel pour faire des photos panoramiques de Paris, mais si il commence à me déballer la liste des monuments principaux comme une check list sans me parler d’autre chose, je me dirais qu’il est passé à côté de quelque chose.
J’ai quitté la vallée sacrée pour la ville d’Arequipa et rejoindre par la suite la ville de Cabanaconde pour faire le trek dans le canyon de Colca. Cet épisode de mon voyage fut superbe. La ville d’Arequipa est charmante et ce fut un plaisir de se balader dans le centre, de jour comme de nuit. J’y ai rencontré un allemand avec qui j’ai visité la cathédrale et le fameux monastère de Santa Elena qui offre une visite passionnante. Mon trek en solitaire dans le canyon de Colca était génial: un changement de paysage radical, de magnifiques paysages, des belles occasions de faire de la photographie et une belle expérience sportive également.
Sur la fin de mon voyage au Pérou, je n’ai pas traîné. Cela faisait plus d’un mois que j’étais au dans le pays et je savais que Troops, mon ami anglais que j’avais rencontré à Quito et que j’avais retrouvé à Lima, était partant pour que nous fassions l’ascension du Huayna Potosi ensemble en Bolivie. De plus, si je restai davantage au Pérou, j’allais de facto devoir écourter mon séjour en Bolivie et en Argentine ce qui était un peu dommage. Je suis donc directement allé de Chivay à Puño au travers d’une route désertique absolument magnifique. De Puño, j’ai pris un "collectivo" puis un petit bateau pour me rendre sur l’île Amantani du lac Titicaca, où une famille péruvienne m’attendait pour un séjour de trois jours.
Mon séjour sur l’île Amantani au sein de la famille d’Ivan, Flavia et de leurs deux enfants, fut le moment le plus authentique de tout mon temps passé au Pérou. Ce fut une véritable déconnexion du rythme touristique que j’avais eu jusqu’à présent. Ce séjour m’a également rappelé mon expérience avec la famille indigène Morales en Equateur. Après un magnifique couché de soleil observé depuis les rives de l’île Amantani et un premier dîner au sein de la demeure chaleureuse de la famille qui m’hébergeait, j’ai parlé de tout pendant cinq heures avec la mère de la famille, Flavia: des coutumes vestimentaires, des relations d’égalité entre les hommes et les femmes, des accès à la santé, des difficultés quotidiennes et des relations avec la familles, de la distance avec la ville, des enfants et des responsabilités à assumer en conséquence. Une discussion passionnée durant laquelle il lui est arrivé de verser une larme. Ce fut un moment très touchant. Le lendemain, j’ai retrouvé Flavia et sa sœur au champ après une séance de photographie matinale. J’ai observé le quotidien des fermiers de la communauté, j’ai donné un petit coup de main, ce qui a fait rire tous les passants que nous avons croisé. Sur l'île d'Amantani, les péruviens qui ne vous connaissent pas vous serrent la main. Si vous parlez espagnol, ils aiment discuter avec vous et ne s’arrêtent pas tant que vous ne mettez pas un terme à la conversation. La photographie n’était pas toujours la bienvenue, mais elle est fut tout de même beaucoup plus tolérée que dans mes expériences péruviennes précédentes. De ce fait, j’ai enfin pu illustrer au travers de mes photos cette vie qui anime l’île d’Amantani, avec ses habitants et leurs activités: la gestion des troupeaux, la récolte de plantations diverses, le marché du matin ou encore le débarquement des visiteurs ou de certains produits qui viennent de la ville. Avec Ivan, nous avons également parlé de longues heures de sa propre histoire, ses préoccupations pour l’avenir de son habitation et l’éducation de ses enfants. Le chauffe eau est payé à crédit et chaque investissement est millimétré. Toutes ces informations ont été obtenues en posant des milliers de questions face à une famille d’une modestie incroyable qui ne parle jamais de ses problèmes si vous ne vous y intéressiez pas. Ivan est parti à douze ans de son île natale pour Lima afin de travailler dans usine de textile. Il m’a raconté la pénibilité du travail ou encore les problèmes pour se nourrir. Cette expérience de trois jours sur Amantani a duré comme une semaine pendant laquelle j’ai découvert un monde. En quittant l’île, j’avais du regret de ne pas pouvoir rester un peu plus longtemps, ayant conscience que j’avais vécu une expérience humaine plus que singulière.
Arrivé à Puño, je prenais un bus pour La Paz. Alors que je longeai le lac Titicaca par une fin de journée ensoleillé, je quittais le Pérou, ce pays magnifique, pour entrer en Bolivie. Mon voyage au Pérou fut une expérience intense. J’ai eu l’impression de traverser un monde à toute vitesse alors que j’y suis resté plus d’un mois. L’expérience péruvienne n’a pas toujours été positive mais dans ce pays relativement pauvre qui accueille aujourd’hui un tourisme de masse, il convient au visiteur qui souhaite découvrir ce magnifique pays de sortir des sentiers battus et ce plus que jamais. Un défi qui n’est pas toujours facile et qui va à l’encontre de toutes les normes et de la pensée commune. Il m’a été également très utile de parler espagnol, sans quoi ce voyage n’aurait pas été une réussite.