L'idée de cet article est née d'une soirée arrosée à Lima où trois types d'horizons divers ont souhaité engager la conversation avec moi en parlant de football. La première question qu'on me pose est souvent d'où je viens. Dans ce cas présent, on m'a ensuite demandé depuis combien de temps j'étais au Pérou et à Lima et enfin, qu'est-ce que je pensais du Pérou. A cette dernière question, il était difficile de répondre car je n'étais au Pérou que depuis trois jours, il fallait donc essayer d'établir une synthèse claire et distrayante de mes trois jours au Pérou de manière à ne pas laisser de blanc abyssale dans cette conversation que mon interlocuteur avait tenter d'initier. Ce jour la, après une courte synthèse, je feignais cependant de relancer la discussion et c'est alors qu'on m'a demandé si je m'intéressais au football. Si j'osai répondre "non" (ce qui est la vérité), cela allait se traduire par une manière sèche de dire que je n'avais pas très envie de discuter. Comme je ne souhaitai pas passer pour un rustre, je n'ai pas répondu non. Je me suis retrouvé à écouter quelques analyses footballistiques dont je n'avais strictement rien à cirer. Pendant que j'écoutais ces discours sur le football en regardant le fond de mon verre, je me faisais la réflexion qu'après 26 ans de vie, je n'avais jamais accroché à la culture de ce sport.
Mon contact avec le foot date du plus jeune âge. Je me rappelle encore de jouer des heures dans ma rue avec mes voisins ou encore, de prendre mon vélo pour aller jouer sur des terrains de gazon proche de mon collège et dans un quartier tranquille. Ces matchs, un peu plus organisés que les coups francs et les passes qu'on pouvait se faire dans ma rue, se déroulaient le plus souvent le week-end à partir du printemps, durant l'été et parfois jusqu'en Automne. Malgré ces occasions de jouer au foot assez régulièrement, j'ai toujours été un joueur de foot très médiocre. La seule chose que je savais faire c'était courir vite mais en ce qui concernait ma maîtrise du ballon avec mon pied, c'était plutôt lamentable. Cela dit, je n'ai jamais vraiment cherché à m'entraîner sérieusement et je n'ai jamais eu envie de travailler ma technique afin de m'améliorer. Adolescent, je continuai de tirer des "pointards" incontrôlés, je faisais des passes approximatives et calculées et pour ne pas être ennuyé par mon équipe sur mon jeu lamentable, je proposai d'aller au goal. Même si le goal peut être accusé d'une certaine médiocrité, dans le milieu amateur, on lui demandera seulement de ne pas dormir dans la cage et de renvoyer la balle après une sortie de but. Le goal pourra toujours accuser sa défense qui est souvent très mauvaise car tous les gamins n'ont qu'une envie: marquer des buts. Il n'y a aucune gloire à être un bon défenseur. Cette prise de conscience ne vient que beaucoup plus tard.
Je ne comprends pas la passion du football où des joueurs s'achètent et se vendent par des clubs comme du matériel, des clubs qui n'ont plus rien à voir avec leurs origines, dont les sponsors sont avant tout des investisseurs qui me paraissent complètement détachés du véritable intérêt sportif. Les sommes d'argent de ce monde accentuent la déconnexion totale des enjeux avec la réalité. J'entends beaucoup de personnes me parler d'un monde actuel pourri par l'argent. Des propos que j'ai tendance à préférer relativiser sauf pour le football actuel.
De même, le rêve d'être un joueur de football professionnel est pour moi un mystère. Je n'y vois qu'une gloire précaire. L'émancipation personnelle, l'esprit critique, la curiosité et l'observation sont laissés pour compte pour ces jeunes dont le seul objectif est de se transformer en machine à but. Ceux qui parviennent au sacré graal (la reconnaissance, la gloire et la fortune) entrent souvent dans une déconne totale et se font aider par des agents, des avocats et de la famille où le capital se répartit bien rapidement. Le tout s'accompagne souvent d'une panoplie de clichés toujours plus navrants et tristes: le footballeur épouse un mannequin ou une chanteuse, achètent des voitures de luxe, une villa et dilapide son argent. Il est, paraît-il, un modèle de jeunesse, ce qui est navrant dans un monde toujours plus individualiste ou le matérialisme et la superficialité sont presque devenues des bases communes.
Je déçois pas mal de monde en disant que je regarde seulement la coupe du monde tous les quatre ans. Ne jamais dire une chose pareille dans une discussion de football, on vous snobera. La coupe du monde m'amuse, c'est pour moi la plus grande compétition nationaliste sportive actuelle. Le nationalisme primaire prend le dessus sur le reste et nous nous émouvons devant le ballon rond. J'aime un peu plus les équipes nationales que les clubs parce que j'ai l'impression que leur entité est plus palpable: derrière les bleus, il y a la France, le pays représenté par une équipe de football avec des joueurs sélectionnés à un moment donné. Je ne comprends pas la représentation d'un club comme le PSG. Le club n'est même pas possédé par des investisseurs français mais par les Qataries. Les joueurs changent de club comme de chaussette et les entraîneurs changent fréquemment. Il y a peu d'organisation dont les caractéristiques ou la composition sont aussi temporaires. J'ai une forte incompréhension de la passion que l'on peut avoir pour ces grands clubs de foot.
Je crois que j'ai seulement été une seule fois dans ma vie dans un grand stade de foot et c'était récemment, en Allemagne, avec mon oncle pour voir le FC Schalke 04 à domicile. Je ne me souviens plus de l'équipe adverse. J'en garde un très bon souvenir. Les supporters criaient, chantaient, discutaient et buvaient de la bière. Il y avait des enfants de tout âge, des familles, des groupes de jeunes et des retraités. Cette expérience m'a permis de découvrir un autre aspect de ce sport, celui au delà de la télévision, lorsqu'on va voir le match un après-midi, en direct, avec sa propre ambiance. N'ayant jamais connu cela auparavant, j'en profitai avec un certain détachement. Cela dit, je comprends bien qu'avec la possibilité d'aller voir son club régulièrement, le match de football devient un événement sympathique avec de belles surprises. Je pense que l'essence même du football se trouve dans deux choses: d'abord dans ces matchs qui se jouent à l'échelle locale, à l'école, dans la rue, dans les champs, avec des adversaires et des coéquipiers qu'on ne connait pas toujours, lors de compétition entre différents villages ou communautés. Ensuite dans cette ambiance et ce spectacle en direct du stade. 
À part mon oncle, ma famille ne m'a jamais parlé de football. Personne n'a jamais pensé aller voir un match et je pense que le football n'a jamais été la discussion d'un repas. Il est évident que mon éducation est la cause majeure de mon désintérêt pour le football. Les aspects négatifs actuels de ce monde ne m'ont pas invité à m'y intéressé davantage. Cela a parfois été un handicap, car le football est un sujet de conversation extrêmement fréquent et donc un vecteur social. Ainsi, il m'est arrivé de décrocher complètement de certaines conversations lorsque j'étais en master ou au sein de mon entreprise, avec mes collègues ou parfois avec le client. 
Ce qui peut m'ennuyer profondément dans le football, c'est sa majorité masculine très marquée. Il y a des femmes qui regardent et qui s'intéressent au football, mais en France et dans beaucoup de pays latins, ce n'est clairement pas très fréquent! La population qui compose ce monde est majoritairement masculine: L'administration internationale, les journalistes et les "experts", les joueurs composants les équipes et les entraîneurs. J'ai vu certains hommes s'intéresser au football comme un refuge, la seule chose sur laquelle leur copine ou leur femme n'auront rien à ajouter et seront vite désintéressées par la conversation. Je trouve ce dernier cas assez navrant.
Je n'ai rien contre le football ni contre les passionnés de ce monde. Quand je joue une partie de football, c'est pour passer du temps avec mes amis et quand je le regarde, c'est pour les mêmes raisons. Cela dit, je n'ai pas d'intérêt pour la culture footballistique, la composition des clubs, le suivi des compétitions, les pronostiques et les analyses de performances sportives. Quand un inconnu engage notre conversation sur le football, c'est comme si j'essayai de faire connaissance avec quelqu'un en lui parlant tout d'abord d'informatique.