J'ai perdu mon grand-père.
Celui que j'ai bien connu. Il était le père de ma mère. "Opa", nous l'appelions. Norbert Höß est décédé en Allemagne le 1er Février 2017 tandis que j'étais encore en Patagonie.
Je voyais mon grand père comme quelqu'un de calme, généreux, parfois rustre mais toujours à mon écoute. Il parlait peu, il avait un sens de l'humour que j'aimais beaucoup. Je n'avais jamais besoin de tout dire, nous nous comprenions, malgré la langue et malgré la distance. Il avait vécu la guerre étant jeune et surtout l'après guerre de l'Allemagne et je me souviens avoir abordé à quelques rares moments ces sujets où son visage laissait transparaître des souvenirs d'une époque difficile. Il avait été chirurgien, et comme tous les orthopédistes, il avait de grosses mains et était rude dans sa manière de vous ausculter. Je l'entendais parfois être catégorique sur certains sujets et pourtant, j'ai toujours eu l'impression qu'il savait m'écouter et que nous avions un partage d'expériences lors de nos discussions. Peut-être était-il différent avec moi car j'étais son seul petit fils ou par le fossé générationnel et culturel.
Je me souviens de ses montres qui faisaient toujours deux fois la taille de mon poignet, de ce regard quand il sortait fumer, j'entends son rire suivi de la toux du fumeur qu'il était. Je l'entends nous appeler pour le déjeuner ou le dîner et me dire "Guten Morgen" lorsque j'arrivai pour le petit déjeuner et qu'il avait préparé des œufs à la coque. Je le vois sortir en peignoir, pieds nus dans la neige, sans que cela ne lui fasse le moindre mal.
Je me souviens que lorsque nous étions petits, lorsqu'il revenait du jardin après une cigarette, il venait toujours s'asseoir au bord du lit en nous écrasant un peu, et disait qu'il allait nous raconter une histoire. Il se mettait alors à raconter notre journée passée ensemble. J'étais toujours un peu déçu de connaître la fin de l'histoire, mais je n'aurai jamais pensé qu'elles seraient la cause de mes larmes qui coulent aujourd'hui sur ma joue.
Je pense à ma grand-mère qui a vécu tant d'année avec lui. Après une discussion avec ma mère, je ne rentrerai pas en Allemagne pour ses funérailles. La contrainte est grande et compliquée. Cela dit, j'ai beaucoup de peine à ne pas être auprès de ma famille à la suite de ce triste événement.
Sa mort est une grande tristesse dans mon voyage. Elle me ramène à une réalité certaine. Ces trois mois passés en voyage me paraissaient comme une pause dans le temps, comme si tout s'était arrêté et qu'à mon retour, les choses n'auraient pas changé. Mais les choses changent, le temps continue sa course et quand je rentrerai, quand je retournerai dans la maison de mes grands-parents, je n'entendrai plus cette voix grave juste avant que la porte s'ouvre.

J'embrasse très fort ma grand-mère, qui m'a toujours soutenu dans mes entreprises et notamment pour mon grand voyage.