Il y a tant de choses à voir et à vivre dans ce pays magnifique que j'aurai bien aimé y rester plus longtemps. Je n'aurai fait que de brefs passages entre La Paz et Tupiza sans prendre le temps de voir l'Amazonie bolivienne ou encore les régions à l'est de Santa Cruz. Comme le Pérou, c'est un pays immense et en l'espace d'un mois, je n'ai eu le temps d'en voir qu'une partie. La Bolivie fut une expérience amusante, que j'ai vécu majoritairement avec de la compagnie française, parfois étrangère et rarement avec les boliviens. Le pays étant l'un des plus pauvres d'Amérique du Sud, un monde nous sépare de ces derniers, surtout dans les milieux ruraux, et les échanges que j'ai pu avoir avec eux ont été trop rares à mon goût. En revanche, j'ai de nouveau profité d'expériences de randonnées andines avec beaucoup de plaisir et j'ai visiter des villes originales où j'ai pu profiter d'expériences gastronomiques atypiques.

Cette expérience bolivienne fut intense et je n'ai pas pris le temps de me reposer comme j'avais pu le faire au début de mon voyage sur le continent sud-américain. Mon départ du continent sud-américain approchant, je me suis laissé moins de temps dans les différents endroits que j'ai pu visiter. Je suis parvenu à garder une certaine flexibilité de voyage, mais sur une question de jours et plus de semaines. L'expérience désormais acquise du voyage a aussi impacté ma manière de voyager: d'une part, il n'était pas toujours facile de s'attarder davantage car il m'est souvent arrivé de rejoindre des compagnons de voyage et d'autre part, ma nouvelle résistance aux heures de transport et aux nuits courtes m'invitait à repousser mes limites et à voir plus de choses dans un laps de temps plus court.

Je serai tenté de répéter les mots de mes compatriotes en affirmant que les boliviens ont un sale caractère, mais ce serait injuste envers tous ceux qui, au contraire, ont été d'une très grande amabilité. Ma première discussion échangée avec un bolivien s'est déroulée juste après ma traversé du lac Titicaca en barge, alors qu'il faisait déjà nuit. Alors que notre bus n'était pas encore arrivé de l'autre côté de la rive, j'ai engagé la conversation avec une femme adorable qui préparait des sandwichs à la saucisse dans la rue. Arrivé à La Paz, les expériences ont été effectivement très variables, de la plus grande gentillesse au caractère le plus exécrable. Pour comprendre ce caractère, parfois agressif et offensant, qui ressemble presque à une certaine forme de racisme envers les populations de type européen, il est essentiel de comprendre l'opposition qui existe entre les Cambas et les Collas:

Les Collas sont les populations issues de l'Altiplano bolivien et se répartissent sur plusieurs régions à l'ouest de la Bolivie. Les villes de La Paz, Cochabamba, Oruro, Sucre, Potosi et Tarija sont les villes représentatives de ces régions. Les populations de ces régions ont les traits physiques des amérindiens. Ce sont les descendants des Incas, des Aymara, des Tiwanacu et des autres peuples indigènes de l'époque pré-colombienne.

Les Cambas sont les populations de la partie est de la Bolivie, dont la ville la plus importante est Santa-Cruz. Les populations de ces régions ont des traits physiques plus européens. Le mode de vie et les coutumes de cette partie du pays sont beaucoup plus européanisés, ils sont les descendants des colons espagnols et se revendiquent comme tels.

En plus des écarts culturels entre ces deux parties du pays, il y a de grands écarts sur le plan du développement économique, ce qui ne fait qu'accentuer les tensions. Cette grande incohérence est l'héritage de la constitution de la Bolivie à la signature de son indépendance, en 1809 qui échappe à une certaine logique, notamment vis à vis des appartenances ethniques entre les différentes populations. Il existe également des tensions au sein même de la partie est de la Bolivie entre les villes de Sucre et de La Paz. Sucre reste la capitale officielle de la Bolivie mais ne concentre que le pouvoir judiciaire tandis que La Paz concentre les pouvoirs de l'exécutif et du législatif. Les raisons à l'origine de ces tensions sont économiques. Enfin, au delà de ses tensions internes, la Bolivie voue une haine profonde à son voisin chilien qui la priva de son accès maritime à la suite de la Guerre du Pacifique (1879-1884). Cette rancœur est tellement ancienne qu'elle semble paraître dans l'ADN des boliviens. Certains boliviens expliquent tous leurs maux par cette impossibilité d'accès à l'océan qui représente une contrainte économique majeure.

Il est important de comprendre qu'au travers de la description de ces tensions, j'ai seulement essayé d'expliquer le racisme occasionnel dont j'ai été victime. J'ai heureusement eu des échanges joyeux avec des boliviens tout au long de mon voyage, comme j'avais pu en avoir au Pérou et ce pour mon plus grand plaisir.

Le style bolivien que j'ai pu observer parmi les Collas (je n'ai voyagé que dans cette partie du pays) se définit par de multiples caractéristiques:

Le style vestimentaire me rappelait beaucoup celui du Pérou, à la différence que les femmes, en plus de porter des vêtements très colorés et traditionnels, portent des chapeaux haut de forme. Il paraît que la forme du chapeau a une signification sur son statut. En général, dix minutes boliviennes signifient vingt à trente minutes mais la fonction de conversation est plus exponentielle que linéaire. Le bus de 23:00 ne partira pas si il est à moitié vide. Quand vous payez en carte bancaire dans un super marché, il faut son passeport, une autre pièce d'identité ainsi que trois signatures. J'ai vu des caissiers taper le code barre de chaque article à la main. Le klaxon des voitures sert à dire beaucoup de chose. Il n'y a pas de file d'attente en Bolivie, il y a un tas et quand l'ensemble des personnes du tas ont terminé leurs demandes, le touriste peut éventuellement transmettre la sienne. La plupart des boliviens n'aiment pas que vous les preniez en photo (il a fallu ruser). Comme tous les pays pauvres d'Amérique du Sud, les gens n'acceptent que l'argent liquide mais ils ne veulent pas de vos billets de cent, ceux qui vous sont distribués par la machine de retrait de billets. Quand un bus est bloqué par la neige, les gens attendent d'abord que la neige fonde et si cette technique ne marche pas, ils appellent un type quand il se réveille pour lui demander de venir après son petit déjeuner avec un bulldozer. En Bolivie, dans n'importe quelle galère, personne ne vous dira jamais rien, c'est à vous d'aller chercher l'information, dans le pire des cas en espagnol, dans le meilleur des cas en quechua (chez les Collas). Le mystique a une part importante dans la vie des boliviens et permet d'expliquer beaucoup de chose. Les boliviens n'ont pas l'usage de la ceinture de sécurité, je ne suis pas sur qu'ils savent ce que c'est. N'essayez pas de demander des variantes du menu proposé dans un restaurant, vous allez énerver tout le monde. L'isolation et le chauffage n'existent quasiment pas en Bolivie, on s'habille chaud et puis c'est tout. 

Juan Evo Morales Ayma est actuellement le président de la Bolivie. Il fut une première fois élu en 2005, une deuxième fois en 2009 et occupe actuellement son troisième mandat de présidence. En 2016, un référendum fut organiser pour modifier la constitution afin qu'il puisse se présenter une quatrième fois. Le résultat de ce référendum fut le "non" à 51,30% mais Evo Morales a fortement protesté contre le résultat de ce référendum prétendant un complot médiatique et politique au moment du référendum. Il souhaite donc l'organiser à nouveau. Ce sujet politique fait beaucoup parler les boliviens qui habituellement ne vous racontent pas grand chose à moins que vous n'insistiez beaucoup. Lorsqu'un guide, un commerçant ou un hôte était peu bavard, je déportai la conversation sur la politique et le président. Cela m'a parfois permis de débloquer la discussion et mettre mon interlocuteur en confiance.

Je suis arrivé en Bolivie en longeant le lac Titicaca, à une hauteur d'environ 3500m pour arriver à La Paz où la ville se situe entre 3600m et 4000m. Dans les environs de La Paz, j'ai fait de nombreuses marches dans la ville mais aussi lors de trek entre 3000m et 5000m, j'ai réalisé l'ascension du Huyana Potosi jusqu'à son sommet à 6088m et je suis descendu en vélo le long du "Camino de la muerte" qui commence à 4700m pour terminer aux environs de 2100m. Avant de vivre toutes ses aventures en haute altitude, j'avais vécu le meilleur entrainement possible au travers de mes expériences au Pérou, ce qui m'avait permis de m’acclimater à l'altitude. Autant de vous dire qu'en Bolivie, je n'ai jamais été en aussi bonne forme: je n'avais pas un gramme de graisse, j'étais taillé au mieux et j'avais un souffle sportif jusqu'à 4000m. C'était un vrai plaisir d'avoir une forme physique à ce niveau et je la regrette déjà.

Mon voyage en Bolivie fut l'occasion d'observer une palette de paysage extrêmement variée: montagnes couvertes des neiges éternelles, immenses canyons à proximité de villes aux allures de Western, glacier dans les hauteurs, traces de dinosaures dans la roche, forêts semi-tropicales aux abords de l'Amazonie, désert de sel magnifique, lagunes aux couleurs impensables, villes à l'architecture coloniale rappelant l'Espagne et ce n'est la qu'une infime partie des merveilles que j'ai pu observer. Une grande partie de la nature bolivienne est restée sauvage et offre aux voyageurs des spectacles à couper le souffle. Malheureusement, le pays est pauvre, et la protection de ces perles naturelles n'est pas toujours au sommet de ses priorités, face à la croissance démographique, aux projets industriels et miniers ainsi qu'aux problèmes des déchets. J'espère (naïvement) pouvoir revenir en Bolivie sans trop regretter l'impact de l'homme sur les paysages que j'ai pu y observer.

C'est incontestable, le voyage en Bolivie était très avantageux sur le plan financier. Les hôtels, les transports et la nourriture sont très bons marchés. Les activités touristiques sont plus chères, mais comparées aux pays frontaliers ce fut tout de même très intéressant. J'ai eu l'occasion de faire beaucoup de choses pour des prix dérisoires. Rapporter les prix en bolivianos à l'euro vous fera sourire car c'est le plus souvent une agréable surprise. Je ne sais pas si c'est la raison pour laquelle il y a autant de français en Bolivie mais j'en ai croisé absolument partout. 

Difficile d'établir un bilan sur la qualité de mes expériences gastronomiques. Elles furent irrégulières, d'excellentes surprises aux prix imbattables à des plats parfois très mauvais, proches de l'immangeable. A part quelques pizzas, les boliviens ne savent pas bien cuisiner les plats occidentaux. J'ai le souvenir d'un hamburger absolument ignoble dans une chaîne dont c'était la spécialité ou encore des spaghettis au pesto infectes. À La Paz, les recommandations TripAdvisor nous ont conduit dans d'excellents restaurants à des prix incroyables: un vietnamien et un italien dont j'ai profité deux fois mais également un indien et un japonais. À Sucre, j'ai goûté d'excellentes assiettes au restaurant "la Taverne": un niveau gastronomique égal à celui que je peux trouver en France. Dans la rue, il m'est arrivé de manger bien et mal. Parfois c'était excellent, il n'y avait rien à dire et c'était bien équilibré et parfois tout baigne (trop) dans l'huile, j'avais presque l'impression d'en boire la bouteille. Les boliviens sont (malheureusement) adeptes du "double féculent" dans la même assiette comme par exemple: riz et purée ou riz et purée. J'ai même expérimenté purée et frites dans la même assiette. Les boliviens mettent des frites partout et la qualité de celles-ci est variable. Le riz est le plus souvent trop cuit. J'ai pu conclure qu'en Bolivie, les plats les plus simples peuvent être réussis et parfois pas.

Mon expérience bolivienne est passée comme un claquement de doigt, j'avais à peine terminé une aventure que je m'engageai dans une autre sans prendre le temps de me reposer. Je n'ai pas pris ce temps car je débordai d'énergie, j'avais envie de repousser mes limites, de retrouver des voyageurs et de voir beaucoup de choses. Ce rythme effréné m'aura permis de voir et d'expérimenter des aventures qui ont parfois représenté de vrais défis avec des paysages magnifiques en compagnie de voyageurs d'horizons et de pays divers. Si j'ai été aussi rapide, c'est aussi parce que je savais qu'en Argentine, j'allais ralentir mon rythme de voyage. À l'heure où j'écris cet article, je n'ai pas l'impression que j'ai encore intégré toutes les belles choses que j'ai pu voir en Bolivie. Quand je travaille sur quelques photos datant de deux ou trois semaines, j'ai l'impression d'y être encore et je regrette alors d'en être parti.